Hier, en me promenant et en photographiant de ça, de là, quelques beaux sujets de la nature, je me suis fait une réflexion sur les contrarités du mouvements.
L'oiseau dont on s'approche s'envole, la branche que l'on convoite est emportée, mes tracés du sables qu'on observe piétinés par les enfants qui jouent....
Tout cela, c'est bien la vie, c'est bien dans l'ordre des choses; mais dans un ordre neutre, un ordre qui ne repose que sur la vie et le mouvement, alors que, même le mouvement de l'art appartient à une dimension plus figée puisqu'il fixe le mouvement lui-même sur le papier, la partition ou la pellicule.
Lorsque Proust écrit que "la vraie vie, la vie enfin retrouvée, la seule vie, par conséquent, véritablement digne d'être vécue, c'est la littérature", il nous invite à réfléchir sur tout ce que constituent le mouvement et la peine. Pour les artistes, le processus de création demande de porter un regard d'artiste sur le monde. La dégradation, l'agitation, la destruction, la mort, nous arrachent des soupirs de mélancolie noire, car l'artiste lutte contre toutes les forces et les mouvements ravageurs du temps et des hommes, contre le regard 'insignifiance que les autres hommes jettent sur la plus pauvre brindille qui jonche le sol.
En effet, quelle importance que cet emplacement de roches, ce tronc recouvert d'écorce, la disposition parfaite de ces rainures dans le sable... L'auteur qui, le mieux, nous fait comprendre que le regard artiste est toujours un pauvre regard rendu malheureux par la rapidité et la brusquerie de la vie est Virginia Woolf. Lourdeur des gros pieds du mari qui martèlent le sol ; lourdeur de cette voix grave (celle du mari, encore) qui condamne la beauté de la promenade vers le phare... Car, feerait-il mauvais, quelle importance ? Ce qui compte, c'est l'émerveillement devant la nature, la contemplation en artiste, c'est-à-dire, comme devant un tableau...
L'artiste est celui qui possède la sensibilité ; que d'émotion devant la découverte de la première rose à peine éclose et quelle douleur, quelle insatisfaction, lorsque le premier bouton est arraché par la main insensible.
Si la Joconde aujourd'hui se trouvait barbouillée par un fou, qui l'aurait recouverte de noir, il se trouverait, dans le monde entier des gens pour déplorer cette perte immense pour l'art et le carnage d'un chef d'oeuvre. Mais, si en son temps, le même fou avait défiguré Mona Lisa, combien d'individus auraient pleuré la mort d'une beauté ?
Une bonne partie du public ne reconnaît comme étant de l'art que ce qui se trouve déjà fixé, déjà transmis et ne voit pas la fragile beauté directement, là où elle puise sa vraie force, c'est-à-dire dans cette nature profonde, qui, paradoxalement, est aussi le lieu de sa destruction. Le vrai artiste lui, contemple avec autant d'émeveillement la nature que la toile, les événements que les pages romanesques, les visions que la pellicule... Car le chef d'oeuvre existe dans la nature, mais il n'est toujours qu'insignifiant aux yeux de qui séparent les plans et ne voient pas l'infinie richesse de ce que propose la nature; preuve que tout n'a pas été dit [tant mieux] et que l'on ne vient pas trop tard...