Le gravier crisse sous les pneus noirs.
Le Ciel est gris, le soir blafard...
La voiture freine et l'on s'exclame :
Guermantes, on y est... !
Le panneau blanc aveugle
Tout encadré de rouge
Promet monts et merveilles
Dans l'espace retrouvé.
C'est là, Guermantes, horreur...
Coincé entre les dunes
D'une verte campagne.
Un paysage plat,
Sans les embruns salés
que ce nom m'apportait.
C'est là, Guermantes, que dire... ?
Entre quelques immeubles
Blancs comme des navires,
Chavirent trois trottoirs...
En cette ville fantôme,
Le temps s'est bien perdu.
Rien ne manque aujourd'hui
Dans Guermantes affadi...
Le vert gazon qui court
Sur les trottoirs désert
Est hostile et à l'homme
Et à la nature même.
L'artifice a son comble
Masque les devantures
D'enseignes qui semblent fausses.
Au loin, hors de Guermantes,
Un centre commercial
Git sur une autoroute,
Entre les jeunes arbres,
Maigres et maladifs
Tout encadrés de bois.
Guermantes, ô, mon Balbec...
En une route étroite,
Se tient le grand domaine
De cette chère Duchesse...
Où est-elle à présent,
Sous son chapeau orné
De fine fleurs blanches ?
Le domaine est fermé.
Les grilles de fer forgé
Laissent voir la décadence
D'un grand bal dans la cour.
Les pavés sont creusés,
En leur milieu, une larme,
Brille, solitaire.
De grands échafaudages
Entourent le bâtiment.
Promettent l'aménagement
De ces demeures vides...
Les grandes pancartes mornes
sous les vieux marronniers
qui parlent au visiteur
De l'esprit des Guermantes
Semblent elles-mêmes dépassées...
Ainsi je m'en retourne,
Sans rien en emporter,
Sans rien y reconnaître
Que le Temps a passé.
Je n'irai plus jamais
Du côté de Guermantes...