Pas besoin de s'appeler Patricia Hightsmith ou Amélie Nothomb pour trouver un bon sujet de thriller. Il suffit de rester confortblement au chaud chez soi, dans ses pantoufles, car c'est là que l'horreur vous cerne au plus près...
La preuve, mon après-midi d'hier...
La journée avait plutôt bien commencé... quelques rayons de soleil à travers l'épaisse couche de nuages gris...
Ce jour-là, j'avais décidé de passer la journée à dormir et à clavioter sur mon ordinateur en quête d'informations littéraires et culturelles...
On a la vie qu'on peut... et quand il fait un peu frisquet dehors et que l'on a pas grand-chose à faire (ceci n'est pas une provocation, je le précise, car ma tête, elle, est bien un problème à soi tout seul...)
Rester enroulée dans la chaleur de la couette ! voilà un beau programme...
Hélas, un coup de sonnette me tire de ma torpeur brusquement.
Je me lève (de mauvaise humeur) ; ce sont les ouvriers qui viennent pour réparer mes WC. Tout l'immeuble est en travaux, des canalisations d'eau ont explosé... Pour le dire en un mot (joué et pas drôle) : les commodités se sont écroulées... Il en est souvent ainsi dans la vie, et ces petites choses sont pourtant bien utiles car elles nous rappellent à quel point le luxe n'est en fait qu'une question de plus ou de moins et que, finalement, avoir l'eau courante est déjà un bien précieux...
En maugréant, j'apprends qu'il est question de faire tomber une partie du mur de mes WC. Je commence à clavioter sur mon ordinateur et assiste à la démolition du mur, sol couvert de gravas...etc...
Un trou béant vient d'être creusé sous les coups du marteau-piqueur ; ma salle de bain est visible depuis la cours du voisin : il devient donc impossible de prendre une douche dans des conditions décentes. Cela aggrave mon irritation...
Je file dans la cuisine et profite du fait qu'il ont fait table rase (je devrais écrire WC rase) et descendent l'escalier pour faire un brin de toilette et passer des vêtements de jour à peu près présentables...
Toute l'après-midi, les marteaux ,piqueurs ou non, ont résonné...
Toute l'après-midi, le rythme fut soutenu par les ouvriers que j'observaient depuis ma chambre, eztre deux descentes dans le vieil appartement du dessous, lugubre et inoccupé qui nous a été généreusement ouvert en ce jour de travaux. Des pièces sombres, un ballon à eau qui a failli me trancher le cou quand je suis entrée dans la salle de bain...
Mais qu'allait-elle donc faire en ces lieux glauques, vous demanderez-vous... ceux qui me connaissent bien n'auront pas de mal à deviner...
Sur les coups de cinq heures et demie, le mal de tête m'avait envahie... Pourtant, en levant la tête, j'aperçois que la cadence est bien moins soutenue.
Fatigue des ouvriers, me dis-je ?
A bien y regarder, je constate que leur ralentissement vient d'une contemplation répulsive (je les comprends) de la tuyauterie ; ils ont l'air inquiets. Ils ont même l'air paniqués... Leurs voix tout à l'heure joyeuse et leurs mises en boîte se sont effacées devant cette béance qui les interpelle...
Je cherche à perçevoir leurs voix confuses; un
- Qu'est-ce c'est que ça ? ( kessssssssssss ke cccccé kçaaaa ?)
Se laisse entendre...
Une réponse étranglée :
- Mé nan c pas ça.
- .... san
- Mé nan c pas du san
- Bah c quoa alor
- Pa du san...
- Bah, - Bah... Tu vois, là... Bah, si c'est du san... rgard
Oh làlà ! Ceux me connaissent savent que s'il y a une chose que je n'aime pas par dessus-tout, c'est bien le SANG... rien qu'entendre le mot, je deviens blanche comme un linge !
Je continue à les écouter, mais je me sens prise de tournis... " Du sang..." Je pense... Qu'est-ce qu'il fait là...?
J'ai l'impression que je vais m'évanouir. La tête me tourne, je prends appui avec les coudes sur mon lit et tente de respirer calmement... Ne pas leur demander ce qu'ils viennent de voir... Ils pourraient m'en tenir coupable et me dénoncer, même si je n'ai rien fait...
Déjà que les films d'horreur, c'est pas du tout, mais alors pas du tout du tout mon truc, je me vois mal éponger du sang inconnu, venu d'on ne sait où, dans mes toilettes...
Je me dis que c'est peut-être la faute des voisins, avec les remontées d'eau, ça a pu apporter ça là... enfin, j'en sais rien, tout ce que je sais c'est que je me sens vraiement vraiment pas bien...
Les deux ouvriers continuent leur conciliabule à mi-voix... j'ai envie d'intervenir et en même temps, j'ose pas, des fois qu'ils me demandent de regarder...
Courageusement, je feins le travail et la profonde absoprtion dans des méditations intellectuelles. Cependant, je garde un oeil sur eux.
On ne sait jamais...
Le dialogue se prolonge et enfin, j'entends ou crois entendre un mot salavteur : 90 !
Ouf, je soupire de soulagement, sans même savoir pourquoi...
Provisoirement, sans doute...
***
Vous, cher lecteur, qui riez de ma confusion... Vous pensez vraiment qu'il s'agissait du chiffre cent et su'in débattaient de la taille ou du diamètre des tuyauteries...??
Mais ce matin, en revenant, le pauvre ouvrier avait les yeux bien cernés et quand je lui ai demandé ce qu'il avait :
- Oh, j'ai mal dormi cette nuit, a-t-il répondu
Impitoyablement, ma mère lui demande :
- Pas à cause de notre tuyauterie, tout de même..
- Ah... Bah... rétoruque-t-il d'une voix affaiblie par le manque de sommeil, je ne vous dis pas que je n'y ai pas pensé....
Demain, je vous raconterai, comment, enfant, j'ai échappé à un tireur sur mon toit...