De retour de vacances, il faut reprendre les bonnes habitudes... Et le coup de pinceau ! Je vais donc vous raconter un peu l'histoire de ce tableau, "Nature morte aux deux torchons", réalisé à l'acrylique, pour satisfaire les curiosités de mes ami(e)s désireux d'en savoir toujours plus ! Et avant tout, une petite estimation du temps ; il m'aura fallu environ une trentaine d'heures pour réaliser ce tableau.
Comme souvent, je suis partie bille en tête... Les légumes qui m'ont servi de modèle ont été ramenés de ma chère terre Ardéchoise. Ils étaient posés, dans la cuisine, dans un panier, lui-même en équilibre instable sur un pot de terre cuite rouge. J'aimais les couleurs, les textures. Bon, ça ne fera qu'une énième nature morte avec des légumes, mais tant pis ! Et me voici partie à croquer (non les légumes, vous l'aurez compris...). - 1ère journée....
Je choisis de faire reposer ma composition sur un jeu de couleurs complémentaires : le vert et le rouge, le orangé et des touches de bleu dans le poivron vert, obtenu par l'adjonction de jaune et bleu). Après le croquis, je pose des aplats de couleurs et j'identifie les pointes de lumière sur mes poivrons. Et là... c'est le drame ! Je me rends compte que le haut du pot en terre est particulièrement galère, et qu'en plus, je me retrouve avec une grosse masse rouge au centre, qui risque fort de déséquilibrer l'ensemble... Je pars me coucher très énervée et désespérée.... - 2ème journée....
Pendant la nuit... (Oui, il se passe toujours des choses intéressantes pendant la nuit...) L' idée me vient (ne me demandez pas si je dormais ou non) de coller quelque motif sous les légumes. Cela permettra de dissimuler le gros pot. Apaisée à l'idée d'une issue possible, je pourchasse bientôt d'autres songes.... :)
Le lendemain, je réfléchis, fusains en main... ! L'idée du collage s'est un peu effacée. J'avais envie vraiment d'utiliser uniquement la peinture cette fois-ci, et recourir au collage pour masquer un défaut me semble en fin de compte un expédient trop simple... Je ne vais donc pas me défiler devant mon projet initial de peinture. Le problème est que mes légumes sont assez haut. Je trace des traits un peu dans tous les sens pour redéfinir des lignes. Je commence à passer en revue dans ma tête les natures mortes que j'ai vues. Je pense d'abord à un accessoire type cuillère, mais ce ne serait pas logique avec le sujet, il n'y aurait alors plus d'histoire... Désespérée je peinds tout de même les légumes avec minutie - 3ème jour...
Le 4ème jour, une histoire commence à se dessiner autour de mes légumes, qui me donneraient presque envie de les manger ! Les natures mortes que j'ai convoquée mentalement sont assez datées et sont souvent organisées autour d'un panier ou d'une coupe quelque peu chichiteuse... Le genre de vaisselle que je n'ai pas chez moi, en un mot. Je songe alors que lorsque je prépare une ratatouille (plat bien du midi, hé!), je pose souvent mes légumes sur un torchon - ne me demandez pas pourquoi, j'ai dû voir ma grand-mère faire ça. J'ouvre mon placard : merveille ! un torchon bien traditionnel, bien quelconque, avec un peu de rouge, qui fera l'écho voulu au rouge de poivron. Je dispose le torchon et je croque à nouveau, en posant quelques lignes de plis. Dans la foulée, je commence à peindre mon torchon. Je donne des directions, quelques ombres, et je peins assez rapidement... c'est un torchon, hein !
A la pause du midi du 4ème jour, je suis assez contente. Dans la foulée de la peinture du torchon, j'ai recouvert une échalote qui commençait à me casser les pieds... Mais quelque chose déséquilibre l'ensemble à mon goût. Le regard passe sans problème du torchon au poivron, mais la partie droite reste trop vide. Je compte mes éléments : 2, 4, 6...et mince, j'avais lu, je ne sais plus où qu'il était plus facile de créer une composition avec un nombre impair d'éléments... Qu'à cela ne tienne ! Je vais compléter mon histoire et ma composition en ajoutant un second torchon, que je fais dans les teintes de bleu, pour faire écho à l'orangé des oignons. A la fin du 4ème jour, les légumes et les torchons sont prêts. Mais ils sont encore en lévitation. Avant de terminer ma séance, je passe une couche de jaune mélangé à du blanc et je fais des lavis bleu très clair par endroits... Les torchons me plaisent, ils créent un élément un peu accrochant et nouveau dans cette composition.
5ème et dernier jour. Aujourd'hui, il faut avancer coûte que coûte. Je crée les lignes de la table sur le devant et je commence à peindre celle-ci avec un mélange de couleurs et de traits figurant des reflets et de la matière. Pour avoir des lignes bien droites, petite astuce, je mets un bout de scotch (attention à ne pas le poser sur de la peinture encore fraîche...). Je pose les lumières. Je travaille le fond avec un frottis de peinture jaune, blanche, bleue et verte. Mon ami trouve que l'angle du mur rend bien... Quel angle ? A bah oui, tiens, les couleurs du frottis donnent l'impression d'un angle.. Hop, autant y aller et rajouter carrément l'angle (toujours la technique du scotch). Quelques retouches sur les légumes - et qui m'ont fait devenir verte sur le poivron de la même couleur.
Et enfin, on signe !
Pascaline Hamon, "Nature morte aux deux torchons", acrylique sur toile, 2014.