Restitit Eurydicemque suam, jam luce sub ipsa,
immemor heu ! victusque animi respexit.
(Virgile, Georgiques).
Cette petite mise en bouche par la poète de Mantoue est toujours d'actualité... Qui aurait cru que Virgile trouverait un vers assez expressif pour servir aujourd'hui encore de support à la pensée littéraire...
Le mythe d'Orphée et d'Eurydice, dont il s'agit ici a souvent été employé pour penser la condition du poète, recréateur des bribes essoufflées de la vie, passeur de lumière, explorateur de l’abîme de la mort...
Aujourd'hui, un constat s'impose... Le mythe d'Orphée a gagné encore en richesse.
Respexit ! il se retourne pour regarder et regarder quoi... ? qui ? Euryduce, bien sûr, qui s'évanouit à nouveau dans les tourbillons de la mort.
RESPEXIT ! C'est également ce que j'ai fait sur un domaine, celui de la critique littéraire... Fini le temps des débats houleux (comme quoi l'école structuraliste avait quand même du bon) ! Fini le temps de Foucault, de Barthes, d'Alain ! Fini le temps du penseur, de l'honnête homme capable de reconnaître ses perplexités... D'ailleurs aujourd'hui, qui pourrait reconnaître qu'il ne sait pas, qu'il ne fait que formuler des hypothèses ... ?
Fini la construction de l'école de Genève...
Fini, fini, fini...
Sur la scène grise de la critique contemporaine on innove ; de nouveaux concepts sont formés pour explorer les troisièmes voies momolles, sans grandes portées mais enrobées tout de même de terminologies pompeuses !
RESPEXIT ! Et là, j'ai vu... Sainte-Beuve, que les contemporains défigurent à qui mieux mieux... Qui a lu Sainte-Beuve... HEIN ? Et qui a lu "Saint-Proust" pour reprendre le titre de l'ouvrage de Maingueneau...
Bien sur me direz-vous, il reste ça et là d'irréductibles petits villages gaulois qui résistent encore et toujours à la pensée ambiante... tel que Jean-Louis Chrétien.
Mais ces meilleures pensées critiques se portent toujours sur des œuvres reconnues et que nous pourrions dire "classiques"... que faire des œuvres du présent Comment construire la critique de notre temps, une critique qui puisse nous faire comprendre les traits du monde que nous vivons et des œuvres que nous lisons...
Une critique qui ne verse pas dans la flagornerie éhontée de la rentrée littéraire (ou inversement, dans la destruction de tout ce qui bouge)...
RESPEXIT ! .. Ah! si seulement ça pouvait faire disparaître Beigbder...!!!